Gamagôri, troisième

Cette semaine est la dernière de Sai, donc samedi on est allés à huit ou neuf dans un shabu shabu, restaurant où on dispose de deux bouillons à choisir parmi une petite liste, dans lesquels on fait cuire des légumes à volonté et de fines tranches de porc et bœuf à volonté également. C’était vachement bon, et j’ai pu utiliser les 3000 ¥ que j’avais gagnés grâce à ma poésie (qui n’étaient pas acceptés partout). En rentrant on est allés chez Marina, qui a dû déménager de la résidence pour aller dans une autre où elle a un petit appart’ pour elle, à la demande de Yamasa en raison de l’arrivée prochaine de nombreux étudiants avec l’été qui approche chaque jour un peu plus. Elle a donc pendu la crémaillère, on était une grosse quinzaine dans une pièce et demie, on a rencontrés des gens et on s’est bien marrés.

Le lendemain, c’était le jour J. Après la première et la deuxième tentatives, je suis enfin allé à Gamagōri. Youhou ! Je mets le réveil tôt (pour un dimanche) pour parler avec Rebeca, puis je mange le reste de mon repas de l’avant-veille (des pâtes agrémentées de diverses choses, le tout donnant super envie aux autres qui m’ont demandé où je l’avais acheté, c’est vrai que c’était joli mais malheureusement pas extraordinairement bon, contrairement au hamburger bœuf bacon foie gras fromage salade oignons tomate que Chris faisait avec Charles). Je me mets des pansements sous les pieds, jeans et baskets, T-shirt, chemise et sweat, plus mon manteau sans la doublure. Il faisait beau (avec un petit vent) donc j’ai aussi pris mes lunettes de soleil. J’ai embarqué une pomme (que j’ai même pas mangée), et vu que j’avais quasiment rien, j’ai estimé que ça valait pas le coup de prendre mon grand sac à dos mais que mon sac en bandoulière suffirait. Loule.

Je sors donc, vais au Ministop m’acheter une bouteille d’eau et deux sandwiches que Charles m’a fait découvrir (une petite merveille, un pain pas tout à fait cuit super mou, avec du jambon et un fromage qui a le consistance du vrai beurre et un goût entre les deux, super bon et pas cher du tout), et je me mets en route. J’ai juste à rejoindre la 248, qui est genre la Rue Garibaldi ou Berthelot, et à aller plein sud jusqu’à Gamagōri. À peine ai-je quitté le quartier que je sens que j’aurai trop chaud, mais tant pis. Je suis parti à 10h50, soit assez tard, et si je voulais manger avec les Taïwanais le soir (repas spécial parce que trois d’entre eux ont fini les cours cette semaine) il ne fallait pas que je rentrasse trop tard.

J’ai donc rejoint sans problème la 248, mon sac commençant déjà à être un peu lourd, et les regrets concernant mon sac à dos commençaient à poindre. La région est venteuse, mais au début ça allait. C’est quand j’ai quitté peu à peu la ville et qu’autour de moi il n’y avait que petites montagnes alentours (comme partout au Japon) et plus beaucoup de bâtiments, que le vent s’est mis à bien se faire sentir. À l’aller ça allait, au retour il était un peu frais au fur et à mesure que le jour déclinait. Le paysage était toujours le même, comme ça (mais sans neige et avec un peu moins de voitures).

J’ai eu aucun problème à l’aller, juste vers la fin le petit doigt de mon pied gauche a fait ses siennes à se comporter bizarrement, mais c’est passé. J’ai pas fait de pause et j’ai marché sans me presser. J’avais misé sur du 6km/h, soit 1 km en 10 minutes (pratique pour compter), mais j’ai mis 2h20 pour faire les 16 km qui séparent Okazaki de Gamagōri, soit 20 minutes de moins que prévu. Une fois dans la ville, je cherche Takeshima, une petite île à une centaine ou deux centaine(s) de la plage (voir ici), et je finis par trouver. Je franchis le pont, je vais visiter le temple qui se trouve en haut des marches que je grimpe péniblement, et je m’assois sur des rochers face à la mer, en bas de l’autre côté de l’île, un peu en avant. Je laisse respirer mes pieds, je laisse le vent froid balayer les odeurs, et je mange tranquillement mon premier sandwich. Tout à coup, je sens un choc sur ma main et vois mon sandwich valser à un mètre de moi. Un putain de milan noir (vautour) avait voulu me piquer ma bouffe ! J’ai halluciné, mais je l’ai pris à la légère. En même temps je l’aurais pas reconnu parmi ses cons de génères et ça aurait servi à rien que je m’énervasse. Donc j’ai remis mes chaussures et suis allé manger mon deuxième sandwich ailleurs. Sur le pont, au retour, il y avait une bonne dizaine de piafs blancs qui faisaient du surplace en l’air pour tenter d’attraper de la nourriture que leur donnait une dame âgée, c’était spectaculaire.

Je ne suis pas resté longtemps au final à Gamagōri, qui n’a rien d’extraordinaire en elle-même, et j’ai fait le chemin inverse. Le premier quart était un peu difficile, mon petit doigt faisait des siennes, mon sac se faisait un peu lourd, le bas des cuisses et derrière mes genoux tiraient un peu (mais raisonnablement) et surtout contrairement à l’aller, je savais exactement le chemin que j’allais parcourir. Toujours la même chose, toujours en ligne droite, toujours les mêmes voitures, les mêmes feux, les mêmes bas-côtés, les mêmes montagnes, etc. Le deuxième quart allait, le troisième était pénible avec les muscles qui fatiguaient plus un mal de dos qui arrivait (bandoulière for the lose), et le dernier était horrible. J’ai dû m’arrêter plusieurs fois pour faire des étirements, m’assoir un peu, faire quelques flexions, changer de mouvements. Autant à l’aller je chantais des chansons, je m’imaginais en train de parler avec Douchka sur le chemin qui m’expliquait que Mémoires d’Outre Tombe ne sont pas de Montaigne mais de Montesquieu et autres joyeusetés, je m’imaginais avec diverses personnes que j’emmenais avec moi, autant au retour j’étais tout seul à pester contre la douleur. J’ai été surpris de constater que j’ai mis que 20 minutes de plus qu’à l’aller, soit 5h pour une grosse trentaine de kilomètres, sans compter l’aller-retour à Takeshima qui fait environ 38 kilomètres en tout. Pour le pèlerinage, je mettrai plus de temps, mais c’est donc tout à fait possible, en gérant bien les pauses, le ravitaillement et le repos.

En rentrant, les Taïwanais n’étaient pas revenus des courses, et après une bonne grosse douche où j’ai pu constater le caractère écarlate de mon visage (pas pensé une seule seconde à de la crème solaire alors qu’il avait fait un soleil éclatant toute la journée), j’ai fait la sieste jusqu’à ce qu’on me réveille pour me dire que tout était prêt. On a passé une bonne soirée, et on m’a demandé notamment d’expliquer le French kiss. J’ai fait comme j’ai pu, en japonais, avec des gestes, et ça ajouté à ma popularité générale ont rendu l’audience passablement excitée, c’est marrant de voir ce genre de réactions. Voici les photos de la soirée, prises par Patrick pour la plupart (dites-moi si ça marche pas).

Sinon, en vrac :

  • Les baskets vont bien a priori, mais ce serait peut-être plus sage d’en acheter une deuxième paire. On verra.
  • J’ai d’énormes crampes sur l’extérieur du pied droit depuis mercredi (seulement), j’espère que ça va passer rapidement, parce que mercredi en allant au resto de tonkatsu (celui-ci très exactement) et surtout en revenant, et ce matin en allant et revenant de l’école, ça m’a fait super mal. En chaussons pas de problèmes, mais je force à peine. Peut-être une question de chaussures (mais pourquoi pas lundi et mardi ?), à voir avec le temps.
  • Francesco (yeah !) et Sai (oh non !) ont fini les cours aujourd’hui. Les AIJP sont en vacances pour deux semaines, il n’y aura presque que les SILAC à l’école et à la résidence. Mes proches s’éloignent petit à petit jusqu’à ce que ce soit mon tour. À partir de demain, je suis seul avec Florin en cours pour les deux semaines qu’il nous reste.
  • J’ai encore du temps, mais il faudrait que je finisse les préparations pour le pèlerinage. Je compte ne pas payer pour dormir, et il faut que je finisse de rassembler les infos sur les différents abris plus ou moins de fortune, endroits précis pour se ravitailler, laver le linge, se laver soi-même, acheter des petits trucs qui me manquent, etc.
  • J’ai le visage plus poilu que jamais, et j’ai presque fini de peler du front et du nez.
  • Rebeca, je t’aime.
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13 réponses à Gamagôri, troisième

  1. Gawel dit :

    Moi aussi je t’aime ! :-)
    Ca fait du bien d’avoir des nouvelles plus fraîches que les précédentes, Renaud.
    Le tonkatsu on dirait une escalope panée de la cantine en plus appétissant :)

  2. Rebeca dit :

    Je t’aime.

  3. Maman dit :

    Ah, c’est sympa d’avoir de tes nouvelles. C’est terrible parce que quand tu seras en train de faire ton pèlerinage nous serons en manque alors que ce serait vraiment intéressant d’avoir tes commentaires avec photos à l’appui.

    C’est sympa aussi d’avoir ces trois mots de Rebeca : « Je t’aime. »

    ça a dû être impressionnant ton vautour qui voulait te piquer ton sandwich, tu l’as mangé quand même ? Le sandwich pas l’oiseau !

    Merci pour les liens : super le plat avec les deux sortes de bouillon, la forme aussi est jolie.

    Pour tes pieds, peut-être que c’est une question de chaussures, de maintien de ton pied dans la chaussure ; à la longue tes pieds ont dû compenser pour prendre une position pour te permettre de marcher plus longtemps, et tes muscles n’ont pas l’habitude, c’est peut-être une sorte de tendinite que tu as. Sois prudent pour ton pèlerinage, là tu as marché sans doute trop rapidement pour une première fois. Et c’est normal que cela ne réagisse pas tout de suite, c’est bien souvent en effet au bout d’un jour ou deux que les courbatures ou autres douleurs se manifestent après de gros efforts inhabituels.
    Merci pour les photos, en effet tu étais bien écarlate, autant que lorsque nous étions allés avec Gaëlle se baigner dans l’océan quand elle habitait à Libourne ; j’imagine en effet que tu as dû bine peler. Tu as eu ainsi ta dose de vitamine D ! Manifestement il y a une bonne ambiance, et ton copain Saï a l’air sympa, plus sérieux que les autres, plus âgé aussi.

    Moi aussi je t’aime !

  4. La Papatte dit :

    Salut, Popocatepetl,

    Moi non plus, je ne te hais point (le Cid, de Virgile…), Mister Gloo.
    Et on aime tous aussi Rebeca.
    Caisse qu’on sème ! C’est bon signe pour la suite de la vie sur Terre, je pense.
    Merci, Pâte à crêpes, pour cette narration comme on les apprécie (étonnante, cette tournure, non ?).
    Durant ta balade, as-tu eu des ampoules ? Songe aux doubles peaux, qui sont une sacrée trouvaille pour les contemplhâtifs péripatinsulaires. J’en parle en connaissance de peause.
    A plus, buddy Goinces !
    Décidément, je suis en verve, ce matin…
    Bises à toi et alentour (Mexicowards).
    Daddy coule.

  5. Maman dit :

    Pour info, suite à une demande de Douchka voilà ce que j’ai trouvé pour faire vite :
    Le pèlerinage de Shikoku (四国八十八箇所, Shikoku Hachijūhakkasho?) est un pèlerinage effectué sur l’île de Shikoku au Japon et qui comprend 88 temples. C’est un pèlerinage circulaire consacré à Kobo Daishi le fondateur du bouddhisme Shingon mais on y retrouve des pèlerins de toutes les traditions. Il est long de 1200 km et les pèlerins qui le font entièrement à pied mettent entre 30 et 60 jours pour le terminer. Aujourd’hui il est plutôt fait en quelques jours (les pèlerins ne s’arrêtent que dans les principaux temples) à l’aide de vélos, bus et voitures. Les pèlerins sont appelés henro, les habitants de Shikoku les appellent o-henro-san (お遍路さん).

  6. La Papatte dit :

    Joe Black,

    Douchka à qui j’ai lu le fruit de ta plume, a beaucoup ri au passage où tu attribuerais à Montesquieu les Mémoires d’Outre-Tombe, ça lui a fait du bien. Peut-être devrais-tu, pour certains lecteurs de notre congrégation, signaler d’une façon ou d’une autre qu’il s’agit d’une blague ? Simple suggestion…

    Douchka aimerait savoir comment, au cours du pèlerinage, les gens s’alimentent : auras-tu une écuelle que les natifs empliront de riz à ton passage ? Ou trouveras-tu sur place un Arabe du coin pour te sustenter ? Ou emporteras-tu dans ton sac des réserves de sandwichs pour 2 mois ? Tell me more, tell me more (air vaguement connu sur voix nasillarde).

    @+, Bilou Boy !

  7. Renaud dit :

    Ce sera plutôt genre sandwiches pour la semaine, selon la fréquence avec laquelle je rencontrerai des villes. Je me suis pas encore penché là-dessus.
    Sinon, pas d’ampoules. J’ai plein de pansements contre ça, et je sais ce qu’il faut faire en cas de pépin donc je m’inquiète pas pour ça.

  8. Tim' pour les intimes dit :

    Ah ouais, quand tu dis  » j’ai pu constater le caractère écarlate de mon visage « , ce n’est pas un euphémisme ! Ca doit etre très HHD (et plutot HH que D :) ) Et avec ton (nouveau?) coté barbu, ca fait limite Robinson Crusoé ! Quel homme !

  9. Anh' dit :

    Mon reno, j’ai bien rigolé en lisant ton article (je n’avais pas compris la blague de Montesquieu, mais à vrai dire je n’avais rien compris du tout donc je n’ai pas cherché beaucoup plus…) et en voyant les photos.

    Je suis très étonnée de ta façon quand même sobre de dire que tu es écarlate… Moi j’aurais hurlé que je suis complètement rouge tomate comme j’ai jamais été, que c’est la loose totale, mais que c’est super drôle, je pensais pas que ça irait jusque là, etc. Bref je me serais étalée… non mais tu as vu ta tête ??????????????????? Je ne pensais pas que c’était possible d’être aussi rouge, moi ! :/

    Bref. ça devait être trop bien de se faire attaquer par un milan noir, moi j’aurais adoré ! <3

    Si je peux me permettre, tu as l'air d'aborder ton pélerinage un peu "à l'arrache", fais quand même gaffe, parce qu'il faut penser à plein de choses. Tu te souviens que tu as 10€ pour une lampe frontale ?
    Du coup tu l'envisages sur combien de temps, ce pélerinage ?Tu as un duvet et un réchaud ? Parce que si tu ne veux pas payer pour dormir, il faudra t'organiser… Mais j'imagine que tu sais tout ça.

    Et sinon, sache que les poils poussent plus avec la chaleur. En été les filles s'épilent bien plus qu'en hiver (et ce n'est pas parce qu'elles veulent être impeccables pour la plage), le poil aime la chaleur. Du coup ton visage en a pris une dose, je me dis que ça doit jouer pour tes poils.

    Tu es moins rouge, maintenant ? ²

    Mon reno moi aussi je t'aime :)

  10. Renaud dit :

    Ouais, je suis quasiment redevenu blanc. Le front et le pif sont encore un peu rouges, mais c’est presque parti.
    Je me souviens bien de tes 10 €, ne t’inquiète pas. Quant au réchaud, j’en aurai probablement pas besoin, mais le duvet oui. J’ai encore deux grosses semaines avant mon départ, ça ira très bien. Et puis si ça marche pas comme prévu, je mettrai plus de temps, voilà tout. Je visais 5-6 semaines à la base, mais ce sera peut-être plutôt 6-7. J’irai à Tôkyô après, et Yui est pas dispo avant le 18 mai de toute façon.

  11. La Mamatte dit :

    Commentaire d’Odile à qui j’avais envoyé un copier-coller de ton dernier récit :
    Grosse journée,rentrée tard d’un dîner entre amies,je savoure les commentaires de Renaud,les Souvenirs littéraires flous avec Douchka,non,pas Montaigne non plus..mais Chat…
    Et les photos,moi,j’aime beaucoup ce Japon,pas pour y vivre…Et ces jeunes qui se sont donné du mal pour cuisiner ces jolis plats!
    Bise et merci encore.O

  12. fikotte dit :

    papa : je kiffe ton « péripatinsulaires » et aussi ton « péripatinsulaires » et aussi ton « mexicowards ». j’adore ton style !!

    gnoufonk : baj a fait « rhhhhhhhhhhhhhha, des tonkatsu !!!!! » :D
    et ca veut dire quoi HHD ?? il est trop hype ton pote…

    moi je savais qu’on pouvait etre aussi rouge. En Thaïlande et au Vietnam, j’ai à chaque fois cramousé à tel point que si Baj était mort de rire à la vue de mon cul en Thailande et de ma tronche au Vietnam, moi j’étais plutôt affolée en pensant à la brulure que j’infligeais à mes pov cellules !!

  13. Renaud dit :

    Hot Hot Dangerous ;-)